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Dialogue de sourds à la SNCF entre direction et cheminots

« Impalpable. » Lorsqu’on demande aux responsables d’établissement ou aux directeurs de ligne pourquoi ils n’ont pas vu venir la grève des contrôleurs au beau milieu des vacances de février, ils répètent ces mots : « C’était impalpable. » SNCF Voyageurs suit le moral de ses troupes avec une batterie d’enquêtes internes, dont le baromètre « C’est à vous », réalisé par BVA, qui mesure l’engagement et la satisfaction au travail. « Tous les indicateurs étaient en amélioration et de manière assez forte », confie une source interne, sans produire de document.
Du côté du Collectif national des agents du service commercial trains (CNA), qui fédère la colère des contrôleurs en dehors des syndicats traditionnels, la version est tout autre. Depuis septembre 2023, explique un de ses membres fondateurs qui requiert l’anonymat car il n’est pas protégé par un statut de représentant du personnel, les contrôleurs estiment que la direction n’a pas totalement respecté l’accord signé après la dernière grève de décembre 2022, en particulier sur les aménagements de fin de carrières et la meilleure prise en compte des primes dans le calcul de la pension.
Pour les agents embauchés avant le 1er janvier 2020, toujours au régime spécial, celle-ci est de 75 % du salaire des six derniers mois (intégrant seulement une partie des primes), un calcul plus avantageux que celui des salariés du privé (qui repose sur les vingt-cinq meilleures années). En moyenne, la pension des contrôleurs, qui partent autour de 60 ans aujourd’hui, serait de 2 500 euros brut, un montant plus élevé que celui de la retraite moyenne des Français et même des retraités de la fonction publique.
Les syndicats, eux, ont vu monter cette deuxième vague de colère. Ils ont même été trois à l’accompagner. Fin 2022, SUD-Rail et la CFDT avaient déposé un préavis pour permettre aux contrôleurs de faire grève. Début 2024, les deux syndicats ont été rejoints par la CGT, pourtant hostile aux mouvements hors syndicat.
Lorsque Jean-Pierre Farandou, le PDG de la SNCF, a annoncé qu’il proposait avec quelques semaines d’avance de discuter autour d’une nouvelle « plate-forme de progrès social », intégrant une réflexion sur la fin de carrière de tous les agents de la SNCF, la CFDT, syndicat réformiste, a décidé de retirer son préavis pour privilégier la négociation, comme l’UNSA qui n’en avait pas déposé. SUD-Rail et la CGT ont maintenu leur préavis.
Ce week-end de grève des 17 et 18 février, dont le coût sera limité puisque 85 % des voyageurs ont pu rejoindre leur destination, aurait-il pu être évité ? Qui doit en assumer la responsabilité ? Est-ce Jean-Pierre Farandou, qui a refusé à cinq mois des Jeux olympiques de céder aux revendications d’un métier au nom de l’unité du corps social de la SNCF, composée depuis 2020 et la mise en œuvre de la réforme de 2018 de filiales autonomes ? Ou Christophe Fanichet et Alain Krakovitch, les patrons de SNCF Voyageurs et du TGV-Intercités, et donc des contrôleurs, trop confiants dans les primes que leurs bons résultats vont permettre de distribuer ? Ou encore les syndicats, SUD-Rail en tête, qui n’ont pas réussi à ramener les contrôleurs dans le cadre de la négociation et ont jeté de l’huile sur le feu ?
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